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« Le nuage de Tchernobyl se serait arrêté aux frontières »

mardi 2 mai 2006, par Pierre Schmitt

« Le nuage radioactif en provenance de la centrale accidentée de Tchernobyl et qui a survolé toute l’Europe s’est miraculeusement arrêté aux frontières de l’Hexagone, ainsi la France a été épargnée par son passage ».

Si on procédait à un sondage auprès des français, très certainement, à 99,9…%, ils répondraient qu’ils ont été dupés et qu’effectivement, lors de l’accident de Tchernobyl, cette phrase a été prononcée par des « responsables », qui leur ont dissimulé la vérité et menti.

Au premier rang des accusés, en réalité le seul accusé « identifié », le Professeur Pierre Pellerin qui en 1986, au moment de l’accident, était le Directeur du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI), service dépendant du Ministère de la Santé.

Dans un numéro du Canard Enchaîné daté de mai ou de juin 1986, un « poème » assassin de Rolland Bacri résume, à lui seul, l’image propagée par les médias et répandue dans le public :

 « Pourquoi qui voit rin ?, pourquoi qui dit rin ?, pourquoi qui fait rin ? S’APPELLERIN »

Bien évidemment, comme il sera clairement démontré ci-après, ni Pierre Pellerin ni quiconque au SCPRI n’a prononcé une telle phrase ni même tenté de faire croire à une telle contrevérité, bien au contraire.

D’entrée soulignons que justice a été rendue à Pierre Pellerin. Pour avoir porté cette accusation de mensonge sur Antenne 2 en 1999, M. Noël Mamère a été condamnés pour diffamation en correctionnel le 12/10/2000, ce jugement a été confirmé en appel le 3/10/2001 puis par la cour de cassation le 22/10/2002.

Que s’est-il donc réellement passé pour qu’une telle certitude, « on nous a menti », soit si ancrée dans tous les esprits ?. L’expliquer, revient à conter l’histoire d’une extraordinaire mystification de l’opinion par ceux là même qui accusent le Professeur Pierre Pellerin de mensonge.

Résumons :

Pierre Pellerin a été le premier en France et en Europe, dès le 29 avril 1986, à fournir des informations précises sur l’accident. Le 1er mai il indiquait sans ambiguïté dans un communiqué très largement diffusé, que « le passage du nuage avait concerné l’ensemble du territoire français », ce qui est manifestement l’inverse de ce qu’on l’accuse d’avoir dit. Cette information sera reprise par tous les médias dès le 2 mai. Le Monde publiera les cartes donnant, jour par jour, les mesures effectuées par le SCPRI, indiquant l’augmentation de la radioactivité de l’air sur l’ensemble du territoire entre le 30 avril et le 5 mai.

Par la suite, le SCPRI a informé scientifiquement, au jour le jour, les autorités françaises et les médias des mesures qu’il continuait d’effectuer ou de collecter. Il n’était d’ailleurs pas le seul, les Services Vétérinaires départementaux, et de Répression des Fraudes effectuaient, de leur côté, leurs propres mesures sanitaires.

C’est sur l’ensemble de toutes ces mesures effectuées et des avis émis par le SCPRI et par les différents services départementaux, et non sur le seul avis de Pierre Pellerin, que les autorités se sont basées pour organiser la surveillance du territoire, des denrées alimentaires et décider, en temps réel de la nécessité ou non d’adopter des mesures de prévention ou de protection sanitaire.

Il faut s’intéresser de très près à la chronologie des événements et des communiqués pour découvrir que la polémique autour du passage du nuage est en réalité née suite à la publication le 6 mai 1986d’un communiqué du Ministère de l’Agriculture, référencé 86/CAB/010/RR.

C’est un communiqué maladroit et incohérent qui affirme dans le même paragraphe une chose fausse, et son contraire…vrai ! En effet, bien que Pierre Pellerin ait, dés le 1er mai, informé l’opinion du « passage du nuage sur l’ensemble du territoire », le communiqué du 6 mai du Ministère était ainsi rédigé : « Le territoire français, en raison de son éloignement, a été totalement épargné par les retombée de radionuclides consécutives à l’accident de la centrale de Tchernobyl  », ce qui est faux, mais cette affirmation était immédiatement suivie de l’affirmation contraire : « A aucun moment les hausses de radioactivité observées n’ont posé le moindre problème d’hygiène publique ».L’incohérence est la stupidité est évidente, s’il y eut « hausses de la radioactivité » c’est donc qu’il y eut passage du nuage ! Ce que tout le monde savait depuis le 1er mai et que personne n’avait d’ailleurs tenté de nier. Communiqué incohérent et stupide autant qu’inutile !

Cependant ce stupide et lamentable cafouillage du Ministère de l’Agriculture allait donner une occasion rêvée à tous ceux qui cherchaient depuis longtemps à disqualifier le Pr Pellerin et le SCPRI en charge, pour France, de la radioprotection (réglementation, surveillance, prélèvement, mesures de contrôle environnemental et surtout de l’évaluation des conséquences sanitaires des rayonnements ionisants…)

Le procédé pour discréditer le SCPRI (et, à sa suite, tout le secteur qualifié de « lobby nucléaire ») a été aussi simple qu’efficace : occulter le fait qu’une information régulière avait été donnée dès l’apparition des effets de l’accident, le 29 avril, imputer à Pierre Pellerin la phrase stupide du communiqué du Ministère de l’Agriculture, puis faire croire, au travers de certains médias complaisants, que c’est sous la pression des informations en provenance de l’étranger, des médias et des opposants au nucléaire que le Pierre Pellerin avait finalement été contraint le 12 mai « d’avouer » sa dissimulation, son « mensonge nucléaire ».

Coup double : on discrédite l’homme et le SCPRI puis on profite de l’occasion pour lancer un « laboratoire indépendant », la CRIIRAD, que l’on autoproclame comme étant désormais seule source honnête d’informations crédibles et incontestables.

En fait, et fondamentalement, ce que les opposants au nucléaire ont reproché à Pierre Pellerin (sans jamais le formuler ainsi) c’est d’avoir, en tant que spécialiste de radioprotection et médecin, donné un avis sur la non nocivité immédiate de l’augmentation de la radioactivité atmosphérique lors du passage du nuage. Cet avis les a sur le coup privé d’arguments, et, contrairement à ce qui a pu se produire dans d’autres pays, de l’occasion de développer une vaste campagne contre le nucléaire. Il faut aussi noter que Pierre Pellerin a, dès l’origine, précisé que dans le futur la radioactivité pourrait subsister et pourrait même s’accumuler en certains endroits (à déceler)suite au lessivage du nuage par des précipitations. La surveillance du territoire devait donc être strictement maintenue longtemps après l’accident.

A l’époque tout ce qui était possible de mesurer (activité atmosphérique et contamination des denrées) et de dire (communiqués) en temps réel a été fait et dit.

Depuis 1986, toute les tentatives faites pour démontrer le caractère totalement infondé et malveillant de l’accusation de mensonge portée contre lui et ses collaborateurs du SCPRI sont restées vaines.

Rien n’y a fait : documents probants et preuves à l’appui, déclarations ministérielles devant l’Assemblée Nationale, procès en diffamation engagés et gagnés contre ceux qui ont continué à soutenir cette accusation mensongère. La rumeur diffamatoire se perpétue, elle a définitivement revêtu l’apparence d’une vérité première. Elle est indestructible.

L’opinion reste convaincue qu’elle a été abusée. Le but recherché est atteint, le public est conforté dans sa certitude que le nucléaire ne peut décidément vivre et survivre qu’à l’abri du secret, du mensonge et que tout ce qui concerne son impact sanitaire lui est, et continuera à lui être, méticuleusement dissimulé. Seul, désormais, un laboratoire se déclarant « indépendant » de tout organisme officiel saurait être crédible. En dehors de lui tout n’est que mensonge d’Etat et manipulation du lobby nucléaire.

Au travers la perpétuation de ce mythe du secret et du mensonge c’est la confiance du public en l’industrie nucléaire, en ceux chargés de l’exploiter, d’assurer sa tutelle et son contrôle qui a été ébranlée, voire détruite.

Ce discrédit des exploitants, des autorités de tutelle et de contrôle du nucléaire, est manifestement le résultats recherché par ceux qui depuis 1986 font courir et entretiennent cette information diffamatoire .


Le mécanisme de l’incroyable saga du mythe du nuage de Tchernobyl qui se serait arrêté aux frontières est « démonté » ci-après.


1 Chronologie d’avril à mai 1986

Cette saga est relatée chronologiquement, d’avril à mai 1986, au travers de faits, d’articles et de déclarations. Toutes les références étant données, il est aisé d’en vérifier l’authenticité. Les textes originaux sont reproduits en italique.

Il convient de souligner que tous les communiqués du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI) dirigé par le Professeur Pierre Pellerin reproduits ci-après ont été systématiquement adressés, soit par télex ou photocopie (moyens les plus performants de l’époque),

- au cabinet du Premier Ministre

- aux cabinets des ministres de la Santé, de l’Environnement, de la Défense Nationale et des Affaires Étrangères,

- à la Sécurité Civile,

- à l’Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN),

- au Service Central de Sûreté des Installations Nucléaires (SCSIN), à la DGS…

- aux agences de presse AFP, REUTER et ASSOCIATED PRESS

La plupart de ces communiqués a par ailleurs été directement adressée aux médias, presse écrite, radio ou télévision (dont Libération, Le Monde, France Inter, RTL…)


1-1 Période allant de la fin avril au 11 mai 1986

L’explosion du réacteur n°4 de la centrale de Tchernobyl a eu lieu le matin du samedi 26 avril 1986 à 1h23.

Dès le 27 avril, le système de surveillance des centrales nucléaires scandinaves (Suède) avait constaté une élévation anormale de la radioactivité atmosphérique sans pouvoir en identifier précisément l’origine.

Les Soviétiques n’annonceront la nouvelle d’un l’accident nucléaire que plus tard, le lundi 28 avril vers 13 h, sans en préciser ni la nature ni la gravité ni le lieu.


Samedi 26, Dimanche 27 et lundi 28 avril 

Journaux : aucune information.


Mardi 29 avril

Premier communiqué du SCPRI (suite à l’alerte en provenance de Suède)

« Ce jour, 29/04/86 à 24 h, aucune élévation significative de la radioactivité sur l’ensemble des stations du SCPRI du territoire.

En revanche, premier prélèvement significatif effectué sur le vol Air France Hambourg-Paris (en provenance de la région de la baltique) Les pourcentages relatifs de la composition en spectrométrie gamma :

132 Tellure environ 39%

131 Iode environ 30%

132 Iode environ 21%

103 Ruthénium environ 5%

99 M Technétium environ 3%

134 Césium traces

137 Césium traces

140 Baryum traces

Ces mesures se poursuivent »

Il est à noter que le SCPRI a été le premier à avoir eu l’idée de procéder à des prélèvements sur un avion en provenance de l’est. Dès le 29 avril il a ainsi pu donner la composition exacte des radioéléments contenus dans ce « nuage radioactif échappé d’une centrale accidentée, quelque part à l’est » et, malgré le silence des autorités soviétiques, apporter la première preuve qu’un très grave accident nucléaire ayant conduit à un important relâchement de produits de fission radioactifs venait d’avoir lieu.


Journal Libération du 29 avril

Page 1

« L’Agence Tass annonce une catastrophe nucléaire en URSS »

« Hier matin les autorités des pays nordiques ont détecté un taux de radioactivité 5 à 6 fois supérieure à la normale, sans pour autant qu’il menace les populations scandinaves »

Page 40 :

« Depuis dimanche [ donc le 27/4] une vague de radioactivité anormale s’est abattue sur la Finlande, la Suède et la Norvège incertitude sur la provenance Selon l’Agence Tass Tchernobyl. »


Mercredi 30 avril

Communiqués du SCPRI à toutes les agences de presse

-Premier communiqué à 16 h

« Ce jour 30/04/86 à 16 h, toujours aucune élévation significative de la radioactivité sur l’ensemble des stations du territoire [ français]. Sur plusieurs vols Stockholm-Paris et Oslo-Paris (région scandinave), prélèvements plus actifs d’un ordre de grandeur [c’est à dire dans un rapport de 10] par rapport au prélèvement Air France Hambourg-Paris mentionné dans mon télex du 29/04/86

132 Tellure environ 36%

132 Iode environ 25%

131 Iode environ 21 %

140 Baryum environ 7%

134 Césium environ 4%

99M technétium environ 2%

133 Iode environ %1

95 Zirconium, 95 Niobium, 137 Césium : traces

Pas de transuraniens [plutonium, neptunium…] jusqu’alors »

-Second communiqué à 24 h

« Ce jour, 30/04/86 à 24 h, situation dans l’ensemble stationnaire. On note cependant, sur certaines stations [de mesure du SCPRI] du sud-est, une légère hausse de la radioactivité atmosphérique, non significative pour la santé publique"

Journal Libération du 30 avril

Page 1 :

[Photo satellite montrant la nébulosité sur l’Europe occidentale, les pays nordiques et l’Ouest de l’URSS]

En titre : « Le nuage radioactif provoqué par l’accident a survolé hier la Scandinavie, la Pologne et le Nord de l’Allemagne sans aucun danger pour les populations »

Page 3

En titre : « le nuage d’Ukraine plane sur l’Europe »  « après avoir survolé les pays scandinaves le nuage radioactif menace maintenant l’Europe occidentale en raison d’un changement des vents mais il est difficile de prévoir son évolution [des] chiffres ont été enregistrés en Suède. Ils nous ont été communiqués [il s’agit de l’activité de l’air] en Becquerel par m3. Selon des calculs rapidement effectués pour nous par le Docteur Jacques Lafuma, chef du Département de Protection Sanitaire du CEA, les Suédois auraient enregistré des doses de 5 millirems dues à l’iode, ce qui est très faible, et de 10 microrems dues au césium. Pas de quoi s’affoler ! On ignore les doses autour de Tchernobyl »

Jeudi 1er mai : férié

Communiqué du SCPRI (pas de parution de journaux, ce communiqué ne sera donc repris par la presse que le 2 mai, ) :

« Ce jour 1er mai 86, 24 h, tendance pour l’ensemble des stations du territoire a un alignement de la radioactivité atmosphérique sur le niveau relevé le 30 avril dans le sud-est.

Il est rappelé que ce niveau est sans aucune incidence sur l’hygiène publique.

Ce communiqué est un peu sibyllin pour le public, il faut l’avouer. Il indique cependant clairement aux autorités que le nuage est en cours de passage sur l’ensemble du territoire. Les journaux du 2 mai le comprendront ainsi, voir ci-dessous les articles de Libération : Pierre Pellerin a annoncé hier…augmentation de la radioactivité… sur l’ensemble du territoire

Vendredi 2 mai

Communiqué du SCPRI

« Radioactivité ambiante consécutive à l’accident nucléaire russe de Tchernobyl. Mise au point à diffuser auprès des médecins et du public.

1) L’élévation relative de la radioactivité relevée sur le territoire français à la suite de cet accident est très largement inférieure aux limites recommandées par la CIPR et aux limites réglementaires françaises, elles-mêmes fixées avec des marges de sécurité considérables. Il faudrait imaginer des élévations dix mille ou cent mille fois plus importantes pour que commencent à se poser des problèmes significatifs d’hygiène publique. La distance, la dilution atmosphérique et la décroissance radioactive excluent une telle évolution dans notre pays.

2) De toutes façons, la plupart des radioéléments à l’origine de cette faible radioactivité ont des périodes relativement courtes. En particulier l’iode 131 a une période d’une semaine, il en résulte que dans six semaines sa radioactivité sera réduite de plus de 50 fois et dans dix semaines de plus de 1.000 fois.

3)…La distribution d’iode stable destinée à bloquer le fonctionnement de la thyroïde n’est ni justifiée ni opportune même dans les pays proches de l’Union Soviétique et dans l’Union Soviétique elle-même si l’on excepte les abords immédiats (environ 50 km) du réacteur accidenté. En tout état de cause, les pastilles ou plaquettes d’iodure de potassium ne sont pas nécessaires

Une goutte de teinture d’iode, disponible dans toutes les pharmacies familiales dans un verre de lait pendant quelques jours serait, si nécessaire, au moins aussi efficace.

En conclusion : ni la situation actuelle, ni son évolution ultérieure ne justifient dans notre pays quelque contre-mesure sanitaire que ce soit.

Professeur P. Pellerin Directeur du SCPRI, Ministère de la Santé

Journal Libération

Page 1 : le titre, « Tchernobyl, le choc du nuage »

« L’accident n’est pas encore liquidépendant ce temps, le nuage échappé du cœur du réacteur continuait son voyage à travers l’Europe faisant parfois souffler la panique, comme en Pologne ; il serait en fait sans danger pour les populations »

Page 4 :

Sous le titre « la longue dérive européenne d’un nuage nucléaire » : « [en] Europe du Nord puis du sud les météorologues suivent la route du nuage sans pouvoir vraiment la prédire »

« A Monaco, on a enregistré des traces de particules peu fréquentables dans l’atmosphère (minimes, ne présentant aucun danger selon les responsables) puis, finalement, cela a été le tour de la France »

« Pierre Pellerin le Directeur du SCPRI a annoncé hier [donc le 01/05, jour férié où les journaux ne paraissent pas] que l’augmentation de la radioactivité était enregistrée sur l’ensemble du territoire sans aucun danger pour la santé. Un avion d’Air France a relevé des traces radioactives à 20 km au nord de Montélimar à 13h15 la légère hausse de la radioactivité décelée dans le sud-est n’est pas significative, selon le SCPRI  »

Page 5 de Libération, sont présentées deux cartes montrant la nébulosité en Europe. La première relative au mardi 29/4 montre un anticyclone centré sur la France et une dépression sur la Pologne, la seconde relative au jeudi 1er mai montre un anticyclone centré sur la Pologne et des nuages arrivant par le sud de la France, par la Roumanie puis l’Italie

Samedi 3 mai

Communiqué du SCPRI

La baisse générale de la radioactivité atmosphérique amorcée le 2 mai s’est nettement accentuée sur les trois quarts ouest du territoire français où elle s’est en particulier réduite en moyenne à 20 picocuries d’iode 131 par mètre cube d’air le 3 mai, soit environ le cinquième du niveau initialement atteint. Les vents du sud-ouest évacuent maintenant les masses d’air vers l’est de l’Europe.

Seule la région sud-est reste encore pour l’instant stationnaire, quant à la radioactivité, par suite de la persistance d’un front froid sur la vallée du Rhône


Journal Libération :

Page 2

Titre : « l’Europe dans le nuage »

« France, le SCPRI ne signalait aucune modification sensible de la radioactivité dans le sud-est par rapport à celle de mercredi [30/4]

« Hier le Sous Préfet de Toulon indiquait que le taux augmentait mais sans précision ».

« Aucune contre mesure sanitaire n’est justifiée, et la prise préventive d’iode n’est ni opportune ni justifiée a déclaré le Professeur P. Pellerin Directeur du SCPRI »

Page 4

Dany Conh Bendit relance (avec opportunité !) l’idée d’un moratoire comme objectif politique « le débat du moratoire va se jouer sur le Super Phénix [allemand] de Kalkar En France il faut réimposer le débat sinon une semaine encore on va parler de Tchernobyl et après ce sera fini ! on ne fait confiance qu’aux scientifiques qu’on accepte d’écouter ». Clair et intéressant !


Dimanche 4 mai

Communiqué du SCPRI

« A diffuser auprès des autorités sanitaires, des médecins, des pharmaciens et du public.

Objet : radioactivité ambiante consécutive à l’accident nucléaire russe de Tchernobyl, situation le 4 mai à 18 h »

[le communiqué reprend les textes diffusés les 2 et 3 mai, voir ci-dessus, et les complète par l’information suivante prenant en compte l’évolution de la situation au soir du 4 mai]

« Aujourd’hui 4 mai 1986, la radioactivité atmosphérique est revenue à une valeur voisine de celle qu’elle était avant l’accident russe, c’est à dire au moins dix fois plus basse qu’hier.

Les débits de dose maximum relevés n’ont jamais dépassé 60 microrads/heure, soit quatre fois le bruit de fond moyen de la radioactivité naturelle en France (15 microrads/heure).

D’une manière générale l’élévation passagère de la radioactivité en France n’a atteint qu’une fraction des niveaux annoncés dans certains pays, notamment ceux d’Europe centrale et, en ce qui concerne le pâturage des animaux et la consommation du lait et des légumes frais, aucune contre-mesure n’est, dans la situation actuelle, envisagée et la surveillance renforcée établie par la Santé Publique depuis le 29 avril est strictement maintenue. ». En clair l’élévation de la radioactivité atmosphérique lors du passage du nuage n’a eu aucun impact sanitaire, par contre, pour les dépôts qui en résulte et restant sur les sols, végétaux…, la surveillance doit être strictement maintenue

Pas de parution ni de Libération ni du Monde

Lundi 5 mai

Communiqué du SCPRI

-Premier communiqué :

« Ce jour 5 mai sur la quasi-totalité du territoire l’élévation passagère de radioactivité de l’atmosphère qui s’était produite à partir du 30 avril a maintenant disparu. Elle est en voie de décroissance pour les autres éléments du milieu [en clair pour les éléments autres que l’atmosphère, soit : l’eau, les végétaux, les aliments…]

Une certaine activité peut apparaître encore quelques jours :

-dans l’eau de pluie où une brusque augmentation locale temporaire peut se manifester lorsque les orages « lessivent » l’atmosphère,

-dans les végétaux et le lait

Cette radioactivité, insignifiante sur le plan de la santé, ne peut que diminuer très rapidement car ses deux principaux constituants, le tellure 132 et l’iode 131 ont respectivement 3 et 8 jours de période.

-Second communiqué

« Radioactivité ambiante : situation le 5 mai à 24 h

Ce jour 5 mai à 24 h, le retour à la normale de la radioactivité de l’atmosphère s’est étendu à l’ensemble du territoire, y compris le sud-est.

De ce fait, l’introduction nouvelle de radioactivité dans les autres éléments du milieu a désormais cessé.

Néanmoins, par suite du décalage dans le temps, du au cheminement des radioéléments introduits dans le milieu, on observe actuellement une élévation retardée de radioactivité, en particulier de l’iode 131 dans certains prélèvements, qui peut encore persister quelques jours :

-dans le lait, cette élévation, retardée par le métabolisme des animaux, s’est amorcée hier, elle a atteint le 5 mai entre 3 et 5 nanocuries d’iode 131 par litre. Elle n’est pas significative sur le plan de la santé publique.

-dans les eaux de pluie recueillies entre le 28 avril et le 4 mai, on a pu mesurer des activités volumiques de 30 à 50 nanocuries par litre qui illustrent bien le « lessivage » de l’atmosphère par les orages.

L’ensemble de l’évolution de la situation est suivi depuis le début de l’accident grâce à mesures effectuées sur plus de 250 échantillons recueillis sur des poussières atmosphériques, les avions de ligne, les végétaux, les sols, le lait, les poissons, les thyroïdes de bovins, les eaux de rivière, les eaux potables, les eaux de pluie …etc.

Il y a lieu d’y ajouter environ 500 résultats de mesure transmis par notre réseau général de surveillance de l’atmosphère et du rayonnement gamma [en particulier autour des centrales nucléaires].

A noter que les activités des thyroïdes de bovins recueillies entre le 2 et le 5 mai sont relativement faibles : 6 à 70 picocuries d’iode 131 par gramme frais [soit 2 à20 Bq/g].

 

Journal Libération Page 30

Titre « La France à l’abri de toute consigne »

« A la question pourquoi les autorités françaises n’ont-elles pas ordonné des mesures comme dans les autres pays voisins, le Professeur Pellerin a répondu par télex [du 2 mai] : L’élévation relative relevée sur le territoire français à la suite de l’accident est très largement inférieure aux limites réglementaires elles-mêmes fixées avec des marges considérables. Il faudrait des élévations 10 ou 100.000 fois plus importantes pour que commence à se poser des problèmes significatifs d’hygiène

La distribution d’iode n’est ni justifiée ni opportune si l’on excepte les abords (50 km)du réacteur accidenté. Aujourd’hui 4 mai la radioactivité atmosphérique est revenue à une valeur voisine de ce qu’elle était avant l’accident, c’est à dire au moins 10 fois plus basse qu’hier »


Mardi 6 mai

Communiqué de presse du Ministère de l’Agriculture (86/cab/010/RR)

« Le territoire français, en raison de son éloignement, a été totalement épargné par les retombées de radionucléides consécutives à l’accident de la centrale de Tchernobyl. A aucun moment les hausses observées de radioactivité n’ont posé le moindre problème d’hygiène publique.

Le Ministère de l’Agriculture dispose des résultats recueillis par le SCPRI qui dépend du Ministère des Affaires Sociales et de l’Emploi. Selon le SCPRI les débits de doses maximales de radioactivité atmosphérique sont toujours restés tout à fait négligeables.

La France a demandé à la Communauté Economique Européenne de mettre au point le plus rapidement possible une procédure uniforme de contrôle applicable par tous les Etats membre à l’égard des pays tiers en s’inspirant des recommandations de la Commisssion Internationale de Radioprotection. Ces mesures ne devront en aucun cas entraver les échanges intra-communautaires. D‘autre part, nous avons demandé que chaque Etat membre tienne informé ses partenaires des contrôles qu’il effectue et de leurs résultats.

Une surveillance particulière a été mise en place par certains Etat membres à l’égard des produits français. Ces dispositions ne sont aucunement justifiées. Le Ministère de l’Agriculture s’attache à ce que , dans les plus brefs délais, la libre circulation de tous les produits français soit rétablie en direction de ces pays.


Les préoccupations du Ministère sont claires, répondre (stupidement !) à certaines mesures d’embargos prises au sein de la Communauté Européenne, mesures parfois plus dictées par l’opportunité ainsi que par des considérations de politique interne et de protection des marchés que par le réel souci de protéger les populations. (sur ce point voir ci-après, et sur ce thème, les très édifiants articles de Libération des 7 et 8 mai sur l’Allemagne, l’Italie et la Grèce)


Premier communiqué du SCPRI

« 1) Confirmation du retour de la radioactivité de l’air à un niveau pratiquement équivalent à celui qui précédait l’accident russe (sauf dans le sud-est où elle reste encore pour le moment légèrement plus élevée). Ainsi en région parisienne la radioactivité de l’air en iode 131 est-elle devenue environ 100 fois plus faible que le maximum relevé le 2 mai.

2) Dans le lait, diminution amorcée de l’activité en iode 131, compte tenu de la courte période de ce radioélément son activité tend maintenant à devenir inférieure à celle du césium 137 dont le SCPRI suit particulièrement l’évolution(le 5 mai jusqu’à 3 nanocurie par litre [environ 100Bq/litre]). A noter que les normes pour le césium 137 sont, compte tenu de son métabolisme, encore moins sévères que pour l’iode 131.

3) Pour les thyroïdes de bovins, qui servent d’indicateur, situation comparable à celle du 5 mai

4) Enfin, la baisse générale de la radioactivité est confirmée par la diminution importante des activités notamment en iode 131, tellure 132 et césium 137 relevées sur les avions de ligne européens


Second communiqué du SCPRi

  1. Exposition

Au cours de la période du 28 avril au 5 mai, les mesures du rayonnement gamma ambiant au sol n’ont jamais excédé 60 microrads par heure, soit au maximum 4 fois le rayonnement naturel qui est en moyenne de 15 microrads par heure. Cette pointe a duré en moyenne à peine 24 heures. Un tel débit de dose est deux fois inférieur à celui auquel on est exposé dans n’importe quel voyage aérien.

En fait cette exposition et ses variations ne sont mesurables que grâce à l’extrême sensibilité des instruments de mesure de la radioactivité. Elles sont sans aucune signification sur le plan de l’hygiène publique

b) Radioactivité de l’air….

  1. Radioactivité du lait

Les mesures indiquent en moyenne des activités d’une centaine de picocuries par litre. Il faut comparer ce résultat à la valeur de 100.000 picocuries par litre, retenue par le comité d’experts médicaux anglais réunis après l’accident de Windscale, pour différer la distribution de lait frais. En d’autres termes il faudrait consommer un tel lait à raison d’un litre par jour durant 75 ans pour seulement recevoir la dose admise pour un an, dose elle même calculée avec une marge de sécurité considérable.

Journal Libération

Page 26, titre « Le nuage a « tout juste frôlé » l’Est de la France »

Nota : ce titre est en contradiction avec ce que Libération a écrit le 2 mai, dans ce numéro, une déclaration très claire du Professeur Pellerin y était en effet rapportée confirmant « que l’augmentation de la radioactivité avait été enregistrée sur l’ensemble du territoire » On assiste ici à la première phase d’une distorsion de ses déclarations, phase qui conduira progressivement à lui « faire dire » ce qu’il n’a ni dit ni laisser sous-entendre à savoir que « le nuage s’était arrêté aux frontières de la France ». En réalité on lui fait endosser la responsabilité de la rédaction du communiqué du Ministère de l’Agriculture

« La France apparaît comme l’un des rares pays d’Europe occidentale miraculeusement épargné par les retombées de Tchernobyl Hier la Direction de la Qualité au ministère de l’Agriculture a indiqué que le taux de radioactivité des produits agricoles en France est « normal ». La raison ? Le nuage a « tout juste frôlé » la frontière est du pays.

Les analyses faites (lait, viande) ne font apparaître aucune hausse de la radioactivité. Le Laboratoire Central d’Hygiène Alimentaire, et ses satellites dans les départements, exercent un contrôle permanent. Même son de cloche au Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants ».

Ceci signifie que les prélèvements les contrôles et les analyses effectués par d’autres organismes, non liés au SCPRI, tels que les services vétérinaires des départements, aboutissent aux mêmes résultats et aux mêmes conclusions que le SCPRI quant à l’impact sanitaire.


Toujours page 26, dans un article signé Selim Nassib, intitulé « s’il n’y a rien à cacher que l’on cesse de donner l’impression contraire » une critique est formulée à l’adresse du SCPRI : 

« Pourquoi est–il si difficile aux journalistes d’obtenir des responsables du SCPRI au bout du fil et doivent-ils attendre que l’on réponde à leurs questions par un texte écrit ? »

« Si le beau temps a réellement sauvé la France, si les communiqués rassurants n’ont rien à voir avec la volonté de ne pas faire de peine aux agriculteurs français, tout le monde s’en réjouit. Mais s’il n’y a rien à cacher que l’on cesse de donner l’impression contraire »

Nota : pour ce qui concerne les difficultés rencontrées par les journalistes pour obtenir des responsables du SCPRI « au bout du fil », il faut savoir que le SCPRI était littéralement assailli de demandes et, qu’étant donnée l’ampleur et l’urgence des tâches à effectuer (des centaines de prélèvements sur l’ensemble du territoire, l’acheminement et l’analyse des échantillons prélevés, l’information des différents ministères concernés, des préfets…), il n’est pas possible que les responsables de services techniques puissent être en permanence à la disposition des journalistes en dehors de périodes limitées dans le temps dédiées à l’information.

En accord avec les pouvoirs publics et les responsables de la sécurité civile, le SCPRI a mis en œuvre une politique qui a semblé stricte mais qui est une politique d’information classique en période de crise. Elle consiste, pour un organisme technique ou scientifique, à ne donner que l’information scientifique et technique dont il dispose et uniquement par écrit, à donner la même information et au même moment à tous et selon le rythme souhaité par les pouvoirs publics, rythme adapté à la gravité de la situation et à la vitesse a laquelle celle-ci évolue.

Sur la base de ces données, les interprétations et les commentaires sont du ressort et de la responsabilité des autorités civiles et politiques et font généralement l’objet de conférences de presse distinctes

 

Mercredi 7 mai

Communiqué du SCPRI

« …Pour ce qui concerne la surveillance des conséquences de l’accident de Tchernobyl en France, le Service Central de Protection Contre les Rayonnements Ionisants a, par le réseau qu’il a établi de longue date et les moyens techniques dont il dispose, suivi jour par jour, sans aucune interruption, la situation depuis le 27 avril dernier. Sur les mesures effectuées à ce jour sur plus de 500 échantillons (poussières, avions de ligne, végétaux, sols, lait, eaux, etc…) il y a lieu d’ajouter environ 800 résultats de mesures transmis par son réseau général de surveillance de la radioactivité de l’atmosphère et du rayonnement ambiant autour des différents centres nucléaires français.

L’ensemble de ces travaux permet d’établir le bilan suivant :

 

L’AIR :

- Entre le 1/5 et le 2/5 : activité totale de l’air inférieure à 800 picocuries par m3, activité de l’iode 131 inférieure à 200 picocuries par m3

- Baisse continue à compter du 3/5 et retour à la situation antérieure à l’accident le 6/5 au matin sur l’ensemble du territoire.

 

LES PRÉCIPITATIONS

L’activité maximale a atteint 30 nanocuries par litre pour l’iode 131 et a été inférieure à 100 nanocuries par litre en activité totale du 28/4 au 2/5

Entre le 3 et le 6 mai, son activité a encore été divisée par trente. Elle est désormais en moyenne de 1 nanocurie par litre pour l’iode 131

 

LES RETOMBÉES AU SOL

Les mesures ont donné les résultats moyens suivants, selon les radioéléments

Activité exprimée en Mci/km2 (nm = non mesurable)

132 Te 131 I 103 Ru 140 Ba 137 Cs 134 Cs

Au 2/5 : 0,87 4,3 0,43 0,65 nm nm

Au 8/5 : 1,20 1,6 1,06 nm 0,23 0,12

Total : 2,0 5,9 1,5 0,65 0,23 0,12

Soit, au total, 11 Mci/km2 environ d’activité intégrée depuis le 1/5/86

 

EXPOSITION AMBIANTE

L’exposition au rayonnement ambiant au sol n’a jamais excédé 60 microrads par heure du 28 avril au 5 mai, soit au maximum 4 fois le rayonnement naturel (15 microrads par heure en France). Cette valeur [de 60 microrads] n'a été atteinte que pendant à peine 24 h le 4 mai dans la région du sud-est. Un tel débit de dose est 2 fois inférieur à celui auquel on est exposé lors d’un voyage aérien.

Actuellement cette exposition est revenue à sa valeur moyenne de 15 microrads par heure.

 

LAIT DE PÂTURAGE

Les mesures effectuées (pour toute la France) sont résumées ci-dessous :

Activités de l’iode 131 exprimées en nanocuries par litre [37 Bq par litre]


Date des prélèvements Moyenne maxi mini

 

1-2-3 mai 1986 0,65 1,2 0,1

4mai 0,25 0,5 0,1

5 mai 2,9 12 0,1

6 mai 2,4 11 0,3

7 mai (Paris seul) 1,0 1,8 0,1

 

AUTRES CONTRÔLES

a) Thyroïdes des bovins

Dans le cadre de son réseau d’alerte, le SCPRI a mesuré l’activité en iode 131 des thyroïdes des bovins répartis sur l’ensemble du territoire français

Les activités ont atteint 2500 picocuries par gramme d’organe frais dans les Vosges le 6/05/86 sur des bovins en herbage.

Les activités thyroïdiennes relevées dans les régions du sud-est et du sud-ouest ont atteint respectivement 40 et70 picocuries par gramme

A Mantes on a relevé 350 picocuries par gramme le 7/05/86

Ces thyroïdes animales sont un indicateur très sensible de l’iode radioactif.

b) Contrôle de la radioactivité des avions de ligne

Dans le cadre du réseau d’alerte le SCPRI a mesuré la contamination radioactive éventuelle de 170 prélèvements effectués sur 120 avions de ligne sillonnant l’Europe par analyse de frottis et de filtres.

L’activité maximale a été trouvée sur un avion en provenance de Copenhague le 1/05/86

(contamination exprimée en picocuries par cm2) I 131 : 65 - Te 132 : 95 - Ce 137 : 34

 

DENRÉES ALIMENTAIRES

Le SCPRI a effectué de nombreux contrôles sur requête de l’administration pour l’exportation de bovins, de poissons, végétaux et produits alimentaires.

Aucune activité significative pour la santé publique n’a été relevée sur les produits d’origine française.


CONTRÔLES SUR L’HOMME

Jusqu’à présent il a été procédé au contrôle de plus de 40 personnes en provenance des régions de l’est, notamment de Kiev et de Minsk, par anthropogammamétrie et analyse urinaire. Seules des traces d’iode 131 ont été relevées. Elles sont sans incidence sur la santé.

Les 19 dosimètres des marins du « Borodine » qui se trouvait en rade de Riga les 29/04 et 1/05/86 n’ont montré aucune exposition. Ces marins seront contrôlés du point de vue de la radioactivité interne.

 

CONCLUSION

La radioactivité de l’air est revenue pratiquement à sa valeur d’avant l’accident

Les pluies d’orage qui rabattent au sol les traces encore présentes dans l’atmosphère peuvent néanmoins, pendant encore quelques temps, provoquer des élévations locales et temporaires de la radioactivité au niveau du sol, sans conséquences sanitaires.

La radioactivité du lait a décru.

L’exposition moyenne de la population française consécutive aux retombées de l’accident de Tchernobyl restera, dans les hypothèses les plus pessimistes, inférieure au dixième de l'exposition naturelle annuelle (de l’ordre d’un séjour de deux semaines en montagne). Aucune contre-mesure sanitaire n’est à envisager, comme vient d’ailleurs de le confirmer clairement l’organisation mondiale de la santé.

Le SCPRI a publié au moins un communiqué quotidien depuis le 29 avril. Cette information sera poursuivie régulièrement.

Le SCPRI tient à remercier chaleureusement tous les services qui lui ont apporté leur concours et notamment :

La Météorologie Nationale,

Les Services Départementaux de l’Action Sanitaire,

La Sécurité Civile

L’Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire

Les centrales d’EDF

La Cogéma

L’aéroport de Paris

Les compagnies Air France et UTA

Les services de radioprotection des différents pays participant au réseau du Centre International de Référence pour la Radioactivité dont l’OMS a chargé le SCPRI

Les services de radioprotection du Royaume Uni et d’Espagne


Journal Libération

Page 27

Titre « L’Europe ouvre son parapluie »

« La plupart des pays membres de la communauté ont pris des mesures de surveillance, voire de suspension sur certains produits alimentaires. Seule la France reste totalement étrangère au syndrome Tchernobyl »

Nota : ainsi formulé l’article de Libération insinue qu’aucune mesure de surveillance n’a été prise ce qui aurait été effectivement scandaleux si cela s’était avéré exact. L’insinuation est inexacte comme le montrent clairement a) les communiqués du SCPRI, b) l’article paru la veille dans Libération p 26 (voir ci dessus) ainsi que l’article ci-dessous, toujours de Libération, et situé…sur la même page 27 :


« La France miraculée  : Le communiqué de presse envoyé hier [le 6/5] par le ministère de l’Agriculture indique qu’à aucun moment les hausses observées de radioactivité ont posé le moindre problème d’hygiène publique Des relevés effectués tous les jours dans différents coins de l’hexagone montrent, en fait, que le taux de radioactivité artificielle de l’atmosphère du pays a eu tendance à légèrement augmenter vers le 29-30 avril avant de décliner après le 1er mai et de redevenir normal sur l’ensemble du territoire dans la nuit du 5 au 6 mai

François Clapier un responsable de la sécurité nucléaire de l’Institut de Physique Nucléaire d’Orsay précise que les mesures locales ont fait apparaître un taux radioactif de 3 à 30 Bq/m3 d’air. Soulignons que cette concentration a atteint la limite légale à ne pas dépasser avant de retomber. Ce seuil très strict reste de toute façon très inoffensif pour les populations. »


Nota Cette affirmation repose sur le fait que le seuil limite légal fixé par la réglementation l’est pour des personnes qui vivraient ou travailleraient en permanence dans une ambiance radioactive autre que l’ambiance radioactive naturelle, ce qui n’est pas le cas d’une population qui n’a été soumise qu’exceptionnellement (car accidentellement) et très temporairement au passage du nuage entre le 29 avril et le 5 mai


« Cette baisse continue, précisait hier le Professeur P. Pellerin, n’est pas contradictoire avec le fait que nous enregistrerons une élévation retardée de la radioactivité dans certains prélèvements [ due aux dépôts sur les sols et les végétaux consécutifs au passage du nuage] notamment de l ‘iode 131 plus de 250 échantillons ont été examinés en France et 500 relevés effectués.

On a pu ainsi enregistrer entre 111 et 185 Bq / litre de lait ce qui n’est pas significatif sur le plan de la santé publique. Quant aux eaux de pluie le taux varie de 1110 à 1850 Bq / litre selon la quantité de particules radioactives de l’aérosol précipité par l’orage »

« Les spécialistes nous assurent que ces doses restent inoffensives. Reste à s’assurer que le cumul de ces particules sur plusieurs jours voire plusieurs semaines le sera tout autant et que nos voisins européens qui prennent plusieurs mesures de protection soient simplement des paranoïaques excessifs »

 

D’autres articles très intéressants et instructifs du même numéro du journal Libération du 7 mai sont consacrés aux dispositions prises dans d’autres pays de la communauté européenne :

Sous le titre « La RFA malade du nuage » :

« Les gens n’achètent plus de légumes frais, les médias et les politiques ont semé la panique au kiosque à journaux, à la une du quotidien populaire Bild, en énorme caractère « La peur de l’atome » « les premiers allemands fuient ».

Le chassé croisé des mesures de protection contre la radioactivité s’ajoute à l’angoisse ambiante. Fédéralisme oblige, chaque land est maître des décisions à prendre. Surviennent alors des situations ubuesques La Hesse a décidé de porter [d’abaisser] unilatéralement la valeur maximale autorisée à 20 Bq / litre de lait, le ministre fédéral de la santé l’avait fixé à 500 Bq / litre

Hier la ministre fédérale Rita Süssmuth a critiqué les recommandations contradictoires émises par les différents landers. Elle a toutefois annoncé un resserrement des normes pour les produits alimentaires.

La résurgence de la grande peur du nucléaire est un terrain électoral hautement profitable, non seulement pour les verts mais aussi pour une partie des socio-démocrates. Certaines voix s’élèvent comme celles du gouvernement régional sarrois d’Oscar Lafontaine dont le gouvernement proteste contre la mise en service de la centrale de Cattenom en Lorraine »


Jeudi 8 mai

Journal Libération

Page20

Titre : « Les Grecs ont des visions d’apocalypse »

« Après le retour d’un très long week-end des citadins [Paque orthodoxe], l’annonce d’une légère augmentation de la radioactivité a résonné comme un coup de gong. Chaque habitant a retrouvé son attirail de méfiance envers tout pouvoir en place, « on nous a caché la vérité depuis le début et celle ci est bien plus angoissante qu’on ne l’avoue"

Des communiqués laconiques de la radio et de la télévision, l’absence de chiffres et une presse muette, pour cause de trêve pascale, ont alimenté les rumeurs les plus extravagantes. Le Premier Ministre Andréa Papandhréou a porté à son comble cette psychose collective en invitant la population à ne pas consommer de lait et à laver soigneusement les légumes : « mesure symbolique préventive, il n’y a aucun souci à se faire » précisait le gouvernement. Plus il se voulait rassurant plus on suspectait sa bonne foi

Lors de sa reparution, mardi, la presse a su tenir à la population le langage qu’elle attendait : « Aliments de mort : lait, légumes et fruits », « Un crime ; on risque de voir naître des enfants monstrueux ».

Confronté depuis sept mois à une guerre d’usure des syndicats le gouvernement n’est sans doute pas mécontent de voir son opinion tourner, pour un temps, vers des sujets plus planétaires et une belle occasion de moucher un parti communiste prosoviétique qui lui mène la vie dure sur le front social »

 

Vendredi 9 mai

Journal Libération

Page 1

Sous le titre « Informations contradictoires, Tchernobyl brûle-t-il encore ? », un éditorial de Marc Kravetz sur le silence des autorités soviétiques :

« Le silence dans ce domaine [nucléaire] fait autant de ravage que la vérité. Tant mieux si à Moscou on comprend qu’il vaut mieux parler que se taire, quitte à se contredire, c’est ce qu’on semble ignorer au SCPRI organisme parfaitement officiel dont le comportement dans toute cette affaire n’a, parfois, guère à envier aux appareils moscovites

Bizarrement, c’est dans le pays le plus nucléarisé d’Europe que les autorités, qui n’ont a priori rien à craindre, campent avec une exemplaire fermeté sur leur silence bétonné. Une tradition qui remonte aux grandes heures de la paranoïa d’EDF face à la contestation écologique »

 

Page 5,

Un article d’Hélène Crié intitulé : « La France lanterne rouge européenne de l’information »

« Dès le début de l’affaire le SCPRI s’est montré peu soucieux de renseigner ceux qui s’adressaient à lui. Il aurait été surprenant de voir ce service rendre publiquement et immédiatement ses informations avant d’entrer en fonction ses agents prêtent serment devant un tribunal « je jure de ne rien révéler des mesures effectuées »

Dès qu’il s’agit d’obtenir le moindre renseignement on se heurte à un mur.

Pour le nucléaire trois partenaires communiquent entre eux, rien qu’entre eux : les constructeurs, les exploitants et l’autorité étatique.


Nota : la campagne contre le SCPRI, et surtout contre celui qui l’incarne, le Professuer P. Pellerin, est réellement lancée par cet article. Avant d’accuser le Professuer Pellerin de mensonge, (ce qui ne saurait tarder, voir les journaux à partir du 12/05) la critique ira crescendo. Elle débute ici sur le thème archi rabattu de la « religion du secret sans laquelle le nucléaire ne saurait exister », dont le fondement serait selon H. Crié un terrible serment « Je jure de ne rien révéler… » contraignant tous les agents au secret absolu. Présenté ainsi son argumentation ne semble devoir souffrir d’aucune contestation possible, elle repose sur un texte réglementaire paru JO du 15/06/1966 : « les agents du SCPRI prêtent serment de ne rien révéler de leur mesures » !

Il n’en est cependant rien et Hélène Crié se livre ici à scandaleuse mystification, à une manipulation monstrueuse d’un texte réglementaire qu’elle utilise intentionnellement totalement hors de son contexte. Démontons le mécanisme de la mystification…

Pour ce qui est du serment, le texte précis du décret paru au JO est le suivant :

« Article 1  : les agents du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants, chargés du contrôle et de la constatation des infractions en ce qui concerne les pollutions de tous ordres causées par des substances radioactives, sont commissionnés par arrêté du ministre des affaires sociales

Article 2 : avant d’entrer en fonction, les agents du SCPRI dûment commissionnés prêtent, devant le tribunal d’instance le serment ci-après : « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions et de ne rien révéler ou utiliser de ce qui sera porté à ma connaissance à l’occasion de leur exercice »

En clair, les agents du SCPRI sont tenus au secret pour ce qui concerne les contrôles et la constatation des infractions (répression des fraudes dans le domaine des pollutions radioactives), car cette activité est bien évidemment couverte par le secret de l’instruction judiciaire éventuelle qui peut découler du constat des infractions relevées.

Le second domaine dans lequel les agents du SCPRI sont tenus à la confidentialité est celui de la dosimétrie individuelle des travailleurs du nucléaire.

Rappelons qu’en 1986 le SCPRI est le seul organisme habilité et autorisé par le Ministère de la Santé à effectuer mensuellement le dépouillement des films de contrôle et de mesure de la dosimétrie individuelle des travailleurs du nucléaire. Le SCPRI assure, à l’échelle nationale et pour l’ensemble de ces travailleurs, la comptabilisation de cette dosimétrie individuelle.

La dosimétrie individuelle des personnes (comme tout ce qui touche aux personnes et à leur santé) est couverte par le secret médical. Seules donc peuvent avoir accès à cette comptabilité, les « personnes ayant à en connaître » c’est à dire la personne intéressé elle-même, les agents du SCPRI assermentés effectuant le dépouillement et la comptabilisation nationale ainsi que le médecin du travail de l’entreprise employant la personne (et non son employeur). Les agents du SCPRI sont, de ce fait, et comme tout médecin, astreints au secret pour ce qui concerne le dépouillement et la comptabilisation qu’ils effectuent dans le cadre de la dosimétrie individuelle des personnes.

Il est donc totalement erroné et intentionnellement malveillant de faire croire que cette obligation de secret est étendue aux mesures environnementales effectuées par le SCPRI dans le cadre du suivi du nuage en provenance de Tchernobyl et des contrôles sanitaires.

Cette accusation est d’autant plus absurde et monstrueuse qu’elle est contredite par les faits. La lecture des journaux montre que, dès les premiers jours de l’accident, le SCPRI a fourni les informations dont il disposait au fur et à mesure de leur acquisition, sans rétention. Pour s’en convaincre il suffit de considérer les télex envoyés quotidiennement aux autorités et aux agences de presse, les cartes émanant du SCPRI et publiées dans les journaux indiquant les zones affectées par le passage du nuage entre le 30 avril et le 5 mai ainsi que le niveau de radioactivité de l’air mesuré au niveau du sol

Si certains ont pu trouver ces informations trop lapidaires, trop scientifiques, difficilement compréhensibles et inaccessibles pour le grand public il s’agit d’un autre problème, délicat certes, mais résultant de la difficulté de communiquer avec le grand public dans un domaine qui est complexe et qui n’est réellement abordable et compréhensible que par un nombre restreint de spécialistes

Quant à accuser le Pr Pellerin de mensonge, de rétention ou de discours lénifiant, il s’agit d’une à une grave diffamation, ce qui sera effectivement jugé comme tel par les tribunaux (en particulier lors de la condamnation de M. Noël Mamère et d’Antenne 2 en première instance, en appel puis en cassation)

Au sujet des discours lénifiants qu’aurait tenus le Pr Pellerin en 1986, il convient de se reporter aux conclusions du rapport publié en 1999, soit treize ans après l’accident, par l’Institut Français de l’Environnement (rapport publié sous l’égide du Ministère de l’Environnement et entériné, en 1999, par Mme D. Voynet alors ministre de l’environnement). Ce rapport présente le bilan des conséquences de l’accident de Tchernobyl en France et confirme tout à fait le bien fondé de l’évaluation de l’impact radiologique de l’accident faite, en mai 1986, par le Directeur du SCPRI :

Sa conclusion générale est « qu’en France la dose moyenne a été limitée et, que la dose cumulée qui sera reçue par le public pendant les 50 prochaines années, sur la période 1986-2046 pour la zone la plus touchée, sera inférieure à 1,5 milli Sievert soit 1% environ de l’exposition naturelle reçue pendant la même période. »(voir ci après le bilan des conséquences de l’accident de Tchernobyl)


Samedi 10 mai

Communiqué du SCPRI

« Ce jour 10 mai…air : retour à une activité volumique moyenne normale confirmée.

Précipitations : l’activité des pluies recueillies du 7 au 9 mai montre une très importante diminution de l’activité volumique qui n’est plus en moyenne que de l’ordre de 20 becquerels (0,5 nanocurie) par litre.

Exposition ambiante à sa valeur habituelle [naturelle et normale] de 15 microrads par heure

Lait : la moyenne des échantillons de lait des 8 et 9 mai arrivés à ce jour est de 56 Bq par litre

 

Journal Libération

Page 13, un article signé Hélène Crié :

« Les verts français ont réclamé hier la démission du chef du SCPRI accusé de rétention d’information, lui reprochant une rétention notoire d’information et une mauvaise volonté à donner des explications techniques. Pierre Pellerin reste calme : « l’affolement européen la panique - voire l’hystérie - ne correspondent pas à la réalité aucune activité significative pour la santé publique », certitude contestée par les verts »

Sur quelles bases repose cette contestation ? L’article ne le dit pas. Suit un article sur la politique préconisée par les verts :

« arrêter la mise en service des nouveaux réacteurs, abandonner les nouveaux chantiers, arrêter les unités les plus dangereuses (Super Phénix et La Hague) engager un programme d’économie d’énergie et remplacer progressivement les centrales nucléaires par de nouveaux moyens de production.

Compte tenu de la rapidité de la mise en œuvre de cette politique on peut raisonnablement tabler sur le fait que le 1/01/2000 la France n’aura plus de centrales nucléaires en fonctionnement »...

 

1-2 La période à partir du lundi 12 mai

lundi12 mai

Communiqué du SCPRI

Vent de sud-est, niveau moyen d’activité équivalent à celui du 11 mai.

La baisse d’activité du lait se poursuit. Moyenne nationale :

-Iode 131 : 70 Bq par litre

-Césium : 17 Bq par litre

Examen de 11 personnes de retour d’URSS le 12 mai, aucune ne présentait d’activité significative.


Journal Libération

page 1

titre, énorme en une :

« LE MENSONGE NUCLEAIRE »

en sous titre :

« Les pouvoirs publics en France ont menti, le nuage de Tchernobyl a bien survolé une partie de la France, le Pr Pellerin en a fait l’aveu deux semaines après l’accident nucléaire »

En appui à ce titre, les articles suivants :

page 2, Le titre « La France, du silence actif au mensonge radioactif »


« Il a fallu attendre en réalité quinze jours pour connaître les premiers résultats chiffrés des différents taux d’activité aux alentours du 30 avril on nous affirme que l’aérosol maudit s’est arrêté à Monaco Le SCPRI communique qu’aucune élévation significative de la radioactivité n’a été constatée sur le territoire par l’ensemble de ses stations  »

Rétention d’information, déformations, contradictions, les autorités ne nous aurons rien épargné. Cela tient autant aux faibles moyens du SCPRI qu’à la culture même que cette communauté d’atomistes engendre : une culture du secret due aux traditions militaires que certains organismes se sont appliqués à développer cette tradition de grande muette s’impose jusque dans les règlements (décret 66-406 en date du 15/06/1966)


Nota : voir sur ce point particulier du décret du 15/06/66 le commentaire ci-dessus à propos de l’article de H.Crié (page 5 Libération du 9/05).


L’éditorial :

« Peut être en va-t-il politiquement des catastrophes nucléaires comme des radiations, elles agissent à retardement.

Du moins faut-il l’espérer si on ne veut pas que l’entourloupe grave dont le Gouvernement français s’est rendu coupable à l’égard de l’opinion reste impuni. Celui-ci, depuis une semaine, n’a pas seulement caché des vérités gênantes, il a délibérément menti, en tout cas fait mentir des administrations plus que consentantes. Les raisons du silence, puis des mensonges, ont été déjà pointées : le lobby agricole s’accouplant, dans une position bizarre, avec les intérêts nucléaires et communiant dans le statu quo régalien.

Il existe un consensus dans la classe politique française, et encore plus dans l’administration, dont le triste Pellerin est un merveilleux exemple, pour minorer l’information pour mieux minorer le citoyen.

La « panique » éventuelle ; en l’occurrence, a bon dos pour justifier les combines, c’est le manteau de vertu dont les menteurs aiment à recouvrir leurs esquives ; l’absoute auto-administrée des truqueurs, la preuve en est toute bête : dans aucun pays de l’Europe occidentale où les gouvernements ont osé dire la vérité on a détecté la moindre panique. »

 

Nota 1 :ces articles, d’une rare violence, sont en complète contradiction avec ce que Libération même écrivait dès les premiers jours de mai, qu’on en juge :

-Le 2 mai : « à Monaco on a enregistré des traces de particules peu fréquentables dans l’atmosphère, minimes ne présentant aucun dangerpuis finalement, cela a été le tour de la France »

-Toujours le 2 mai : « Pierre Pellerin a annoncé hier [donc le 1er mai jour férié, sans journaux] que l’augmentation de la radioactivité était enregistrée sur l’ensemble du territoire sans aucun danger pour la santé »


Nota 2 : le paragraphe sur la panique est lui aussi en complète contradiction avec ce que Libération (et d’autres journaux) ont rapporté de ce qui s’était passé en Italie, en Grèce ou dans certains landers allemands par exemple.

Selon les besoins de ses démonstrations le journal Libération affirme, sur différents sujets, tout et son contraire. Pour s’en convaincre, voir ci-après (et dans le même numéro à la page 6…), l’article traitant des réactions à l’étranger et les motivations qui ont conduit certains pays à prendre des mesures restrictives ou d’interdiction.

Page 4

En complète contradiction avec les accusations de l’éditorial de la page 2, sont présentés sur cette page des cartes et des tableaux publiés par le SCPRI dès le 7 mai et indiquant :

- jour par jour entre le 30/4, jour de son arrivée et le 5/5 jour de sa disparition,

l’emplacement et l’étendue du nuage

- les concentrations de l’iode dans le lait, région par région

- la radioactivité du sol

- les limites d’absorption annuelle pour les éléments véhiculés par le nuage : l’iode, le césium, le strontium et le ruthénium

Ces cartes et tableaux s’accompagnent d’articles et commentaires circonstanciés contrastant avec la tonalité outrancière des autres articles du même jour, les rendant même dérisoires pour qui tente de les rapprocher :

« En faisant les hypothèses les plus pessimistes, un individu ayant bu un litre de lait par jour pendant 12 jours, parmi les plus radioactifs, aurait ingéré 8640 Bq soit moins du dixième de la limite annuelle (100.000 Bq)

Sous le titre « Un risque à double détente » un article de Gilles Pial :

« Pour la plupart des médecins nucléaires [comprendre radiologues, radiothérapeuteset non le « lobby nucléaire »] les mesures prises dans certains pays européens concernant l’importation de produits alimentaires sont « purement politiques et sans aucune commune mesure avec la réalité médicale et les risques éventuels ». Une réalité bien difficile à appréhender au vue de l’incroyable suite de non dits et de données fragmentaires, voire franchement contradictoires, qui ont submergé les Français Il semble que ce soit essentiellement de l’iode 131 et un peu de césium qui planent au-dessus de nos têtes

Leurs effets dépendent d’un certain seuil qui, d’après les données disponibles ; n’est pas atteint dans l’hexagone

Même dans les pays scandinaves, la radioactivité n’aurait pas dépassé, quelques heures après la catastrophe, une poignée de millirads, doses minimes qui peuvent être comparées à une radiographie des poumons (2 millirads) ou à une semaine de ski à 2000 m (20 miilirads)

Au-delà viennent les effets aléatoires différés dans le temps. Riches en incertitudes et objet de bien des phantasmes, ces effets (mutations génétiques, cancers) sont proportionnels à la dose d’irradiation, les doses se cumulant dans le temps.

Toute dose d’irradiation, qu’elle soit naturelle ou accidentelle constitue un risque de cancer. Risque difficilement appréciable statistiquement vue l’incertitude du lien entre la cause et l’effet, le caractère pluri-factoriel de la plupart des cancers et la latence d’apparition de ces maladies (20 à 30 ans)

En tout état de cause la responsabilité d’un tel accident nucléaire dans la multiplication des cancers ne pourra jamais être établie et les mesures prises afin d’endiguer les effets - éventuels - de la radioactivité semblent pour le moins discutables

La proscription de l’eau ou des produits laitiers suspects de radioactivité peut avoir bien des inconvénients pratiquesCette dernière mesure n’est en fait souhaitable que si le niveau de la radioactivité se situe au-delà d’un certain seuil qui ne semble pas atteint à nos frontières

page 6

Titre « cacophonie pour l’Europe atomisée ». Il est intéressant de rapprocher cet article de l’affirmation de l’éditorial ci-dessus à propos de l’effet de panique et d’apprécier les motivations qui ont conduit chaque pays à prendre telle ou telle décision ou position


« Samedi soir un accord semblait se profiler entre les douzes pour interdire jusqu’au 31 mai toute importation de produits agricoles en provenance des pays de l’Estmais dès hier matin Rome démentait. Sa position aurait été hâtivement interprétée.

En fait les Italiens ne veulent pas d’une décision commune par rapport aux pays de l’Est tant que le différent sur la circulation des produits européens à l’intérieur du marché commun et sur les prix agricoles n’est pas réglé.

Rome craint que Tchernobyl serve de prétexte à une guerre commerciale et veut imposer, notamment à l’Allemagne, plus de souplesse dans les normes qui établissent le niveau dangereux de radioactivité des fruits et légumes.

La réglementation allemande -relativement mitigée pour le lait dont la RFA est un grand producteur- est plus sévère pour les fruits et légumes, les Italiens produisant près de la moitié des fruits et légumes de la CEE. Ils ne veulent pas faire de cadeaux ultérieurs à leur concurrents espagnols qui ont déjà tiré profit du scandale des vins frelatés italiens


En RFA :

« Le gouvernement de Hesse a décidé d’imposer seul des normes de contamination contrairement à l’avis de la Commission Contre les Radiations qui ne les jugeait pas nécessaire »

« Des Allemandes de l’Ouest se font avorter par peur des effets sur leurs enfants. Le phénomène paraît suffisamment important pour que le Ministère de la Santé ait dénoncé les médecins qui ont conseillé « une mesure qui ne se justifie nullement » ».


En réponse à cette interrogation (hélas à posteriori), les spécialistes font remarquer que statistiquement peu d’embryons anormaux donnant naissance à un enfant anormal arrivent à terme. Si en occident l’accident de Tchernobyl avait été la cause d’anomalies sur des enfants en gestation, par rapport au nombre de naissances arrivées normalement à terme on aurait du constater une très importante augmentation corrélative des cas de fausses couches (naturelles, non provoquées) parmi les femmes ayant porté des embryons anormaux pendant et après l’accident.

Aucune augmentation de cette nature a été constatée, ce qui montre que l’accident, en Allemagne, n’a pas été à l’origine d’anomalies statistiquement décelables.


En Grèce :

« La Commission de l’Énergie Nucléaire a annoncé samedi que le niveau de radioactivité était redevenu « presque normal ». Ces déclarations ont pour objectif de calmer la panique que continue à entretenir dans la population une partie de la presse nationale  ». (Voir également, ci dessus, Libération du 8 / 05 et l’article sur la situation politique de la Grèce et l’utilisation médiatique faite de l’accident de Tchernobyl pour contrebalancer l’influence des syndicats et du Parti Communisme)

Il y a donc une incohérence certaine entre les différents articles de Libération sur le fait de savoir s’il y eut ou non panique et sur le caractère fondé ou artificiellement provoqué des différentes sortes de panique selon les pays.


2 La perpétuation et l’utilisation du mythe

Fin mai 1986, pour les opposants au nucléaire, la cause est entendue, « la messe est dite » : les autorités françaises, les administrations de tutelle et de surveillance, les services publics…tous amalgamés sous l’étiquette « lobby nucléaire » sont complices et ont failli, mensonges, manipulations, dissimulation...

Le lobby, le Pr Pellerin en tête, a berné l’opinion. Leur discrédit doit être total et seul désormais ne peuvent être crédibles que les organismes s’autoproclamant « indépendants » et, en premier lieu, la CRIIRAD justement crée à cette occasion,

C’est l’hallali, le SCPRI et son Directeur sont totalement disqualifiés.

Les exploitants des centrales nucléaires sont guère mieux lotis, ils font partie de la conspiration. Le nucléaire, certainement l’industrie la plus surveillée et la plus exposée et la plus médiatisée, est présentée comme le symbole de l’opacité, du secret et du mensonge permanent.

A l’exception de quelques téméraires le monde politique, plutôt discret, est resté à l’abri derrière les coupables désignés que sont le « lobby nucléaire » et le professeur Pellerin.

Pour les plus extrêmes des opposants le discours s’est radicalisé. Il est simple, expéditif, sans appel : le « lobby nucléaire » et ses « valets » ont « poussé le cynisme » jusqu’à dissimuler et nier l’impact sanitaire de l’accident afin de préserver leur industrie et poursuivre leurs folles « activités criminelles ». Toujours le secret et le mensonge.

Seule ne peut désormais être crédible qu’une information émanant d’un organisme se déclarant « indépendant », le critère d’indépendance étant essentiellement l’opposition active au nucléaire. Au premier rang de ces organismes indépendants la toute nouvelle CRIIRAD présidée par Mme Michèle Rivasi, crée en réaction au « mensonge des autorités », et magistralement promue par les articles de Libération signés Hélène Crié.


Après l’hallali ce fut la curée, certains parleront de lynchage médiatique.


Il y eut bien quelques démentis officiels, bien timides compte tenu du prix politique à payer lorsqu’on essaie d’aller à contre courant et qu’on s’écarte du sillage d’une « vérité » communément admise.

Parmi les quelques tentatives de démenti, celle de Monsieur Roger FAUROUX, alors Ministre de l’Industrie et de l’Aménagement du Territoire. Quatre ans après l’accident, le 9 mai 1990 et suite à l’interpellation du Gouvernement par M. le Député François PATRIAT qui reprenait les accusations de dissimulation et de silence proférées vis à vis du SCPRI et de son Directeur le Professeur PELLERIN, sa réponse à l’interpellation fut la suivante :

« Vous avez fait allusion à ce qui s’est passé en France au moment de l’accident de Tchernobyl. Je dois préciser, parce qu’il y a, me semble t-il, une légende noire qu’il importe d’exorciser, qu’au cours du fameux week-end du 1er mai 1986, le Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants a donné, heure par heure, aux populations des informations concernant le passage du nuage radioactif.

J’ai là une chronologie, que je tiens à la disposition des membres de cette Assemblée, qui indique que rien n’a été dissimulé. (Extrait de la Publication de l’Institut Français de l’Environnement, Édition de la découverte)

Cependant rien n’y fit, fondamentalement pour l’opinion publique rien n’est venu ébranler sa conviction selon laquelle on lui avait dissimulé la vérité et menti.

Les procès en diffamation intentés par le Pr Pellerin contre ceux qui continuent de l’accuser ne parviendront pas à modifier cette conviction ni à réhabiliter l’ancien directeur du SCPRI. Les raisons majeures en sont l’absence de publicité accordée aux jugements rendus (par exemple les condamnation de N. Mamère…) et surtout la poursuite, dans certains médias, de l’affirmation selon laquelle on a bien cherché en France, en 1986 et après, à minimiser l’impact de l’accident, à nier, à mentir et à dissimuler la vérité.


3- Les procès en diffamation intentés par le P Pellerin


3-1 Le procès contre les auteurs du livre « Ce nucléaire qu’on nous cache »


Avant d’aborder le procès intenté à M. Mamère, il convient de rappeler le procès en diffamation intenté en 1999 par le Pr Pellerin contre Mme Michèle Rivasi, Présidente de la CRIIRAD, et la journaliste Hélène Crié, auteurs du livre « Ce nucléaire qu’on nous cache ». Dans ce livre, elles affirment que le Pr Pellerin a menti en niant le survol de la France par le nuage de Tchernobyl et qu’il a dissimulé la contamination du territoire français.

En décembre 1999, selon Mmes Rivasi et Crié, le Pr Pellerin aurait « perdu » son procès en diffamation accréditant un peu plus l’idée qu’elles seules détiennent la vérité, qu’il a bien menti et dissimulé.

La réalité est notoirement différente. La plainte en diffamation déposée par le Pr Pellerin a été jugée irrecevable par la chambre de la presse du tribunal de Paris car ce tribunal a estimé que le Pr Pellerin avait été visé en qualité de fonctionnaire de l’État et que son action aurait, de ce fait, du être exercée non devant la chambre de la presse du tribunal de Paris mais devant un tribunal correctionnel seul compétent pour juger de ce type d’affaire

Ce procès qualifié de« perdu » a bien évidemment été présenté comme une victoire par Mme Rivasi et Mme Crié. Cette victoire est bien maigre voire amère car le tribunal présidé par Mme Martine Ract-Madoux a, malgré tout mais très clairement, expliqué dans ses attendus que « l’imputation d’avoir menti était bien diffamatoire vis-à-vis d’un responsable de la protection de l’environnement contre la radioactivité » (Référence : dépêche AFP 091228 du 09/12/1999


3-2 Condamnation M. Mamère par le tribunal correctionnel de Paris


Le 23 octobre 1999, au cours de l’émission de télévision « Tout le monde en parle » sur France 2, Noël. Mamère avait traité le P Pellerin de « sinistre personnage » « qui n’arrêtait pas de nous raconter que la France était tellement forte, complexe d’Astérix, que le nuage de Tchernobyl n’avait pas franchi nos frontières ». Il reprenait en cela l’accusation portée depuis treize ans par les médias et les Verts contre P. Pellerin.

Instruit par ses déboires précédents, le Pr Pellerin intente une action en diffamation contre M N. Mamère et France 2 et cette fois-ci devant le tribunal correctionnel de Paris.

Le mercredi 11 octobre 2000 Noël Mamère et France 2 sont condamnés par la dix-septième chambre du tribunal correctionnel de Paris pour « diffamation » à l’encontre de Pierre Pellerin, ancien Directeur du SCPRI

Le tribunal a jugé qu’il était « incontestablement diffamatoire d’imputer au Pr Pellerin d’avoir donné sciemment des informations inexactes » et a estimé que « M. Mamère avait parlé sans prudence, et non sans une certaine animosité ».

Le tribunal souligne que le Pr Pellerin avait bien transmis périodiquement, et dès l’annonce de l’accident, des communiqués scientifiques tout en soulignant le caractère inoffensif de l’élévation passagère mesurée de la radioactivité.

Noël Mamère et Marc Tessier, Président de France 2 ont été condamnés à 10.000 F d’amende chacun et, solidairement, à verser 50.000 F de dommages et intérêts à P. Pellerin.

Le Président de France 2 a été condamné car l’émission ayant été enregistrée (et non diffusée en direct) il aurait du faire vérifier la teneur et l’exactitude des informations diffusées.

N. Mamère et France 2 ont immédiatement fait appel de ce jugement.


3-4 Compte rendu de la condamnation en appel de M. Mamère dans la presse

Il n’est pas très surprenant de ne trouver aucune allusion à la condamnation de M N. Mamère dans le Journal Libération qui fut le principal artisan de la propagation de la rumeur du « nuage qui se serait arrêté aux frontières », ni le 12 octobre 2000, lendemain du rendu du premier jugement, ni les jours suivants.

Par contre, extraordinaire coïncidence sans nul doute, le journal Libération de ce même 12 octobre 2000, page 50, à la rubrique télévision et sous le titre TOXIC AFFAIRE, présentait un documentaire programmé le soir même sur France 3 et intitulé…« Tchernobyl, autopsie d’un nuage ». La présentation de ce documentaire était la suivante :

« France 3 inaugure avec « Tchernobyl, autopsie d’un nuage » une nouvelle série qui marque le retour du journalisme d’investigation. La nouvelle case documentaire « Passé sous silence » à laquelle appartient ce reportage, diffusé une fois par mois, ouvre une collection axée sur l’histoire des trente dernières années. Le scandale du mois, ce sont les conséquences du nuage de Tchernobyl en France…Contrairement aux autres pays européens, la France affirme que le nuage s’est arrêté à ses frontières et ne prend aucune mesure sanitaire ».

Le télescopage entre le silence du journal au sujet du compte rendu du jugement condamnant M. Mamère pour diffamation et la présentation du reportage de France 3 sur le « nuage qui s’est arrêté aux frontières » méritait d’être souligné !

Le Monde daté du 14 octobre 2000 donne, en page 16, un compte rendu sobre de la condamnation. Il y est indiqué que « M Mamère, qui a annoncé son intention de faire appel, s’est vu refuser le bénéfice de la bonne foi et l’excuse de l’humour… ».

Page 38 de ce même numéro du Monde, dans un article intitulé « Fais-nous peur », Luc Rosenzweig fait la critique du reportage de France 3 du 12 octobre « Autopsie d’un nuage ». Y sont critiqués l’excès de sensationnel, l’emploi de grands mots effrayants, la pratique consistant à « muscler » le documentaire pour le rendre plus efficace et le pouvoir de nuisance des images ou du récit télévisuel qui en résulte. On y trouve également mot pour mot, et ce malgré la condamnation toute récente de son caractère diffamatoire, l’inévitable rumeur hélas devenue vérité universelle : « On se souvient de la langue de bois, à l’époque, des responsables français de la sûreté nucléaire, qui voulaient nous faire croire que le nuage radioactif considérait les frontières de l’Hexagone comme infranchissables ».

Décidément, on retrouve, au mot près, la fameuse phrase qui valut à N. Mamère d’être condamné pour propos diffamatoires deux jours plus tôt !

3-3 La condamnation de M Mamère en appel

Le 3 octobre 2001 la Cour d’Appel de Paris confirmait la condamnation de M Noël Mamère pour diffamation envers le Pr Pellerin, ancien directeur du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants.

L’argumentation de la Cour est le suivant : « M. Mamère impute donc au Professeur Pellerin, d’avoir menti aux journalistes quant au survol de la France par le nuage radioactif, alors qu’il ressort du dossier que celui-ci n’a jamais tenu de tels propos, et que sa position était de dire que le taux de radioactivité avait augmenté en France – ce qui signifiait forcément que le pays avait été survolé – mais que cette augmentation n’aurait aucune conséquence néfaste sur la santé publique, ce qui n’a toujours pas été réfuté avec certitude. »

La Cour confirme que « imputer au Pr Pellerin d’avoir, en tant que spécialiste des problèmes de radioactivité, donné, en connaissance de cause, des informations erronées voire mensongères quant à un problème grave tel que la catastrophe de Tchernobyl qui pouvait avoir des incidences sur la santé des français, constitue incontestablement une atteinte à l’honneur et à la considération de la partie civile et est par conséquent diffamatoire… ».

La cour ajoute, concernant les propos de M. Mamère, que « le caractère péremptoire des affirmations et leurs caractéristiques péjoratives…révèlent chez le prévenu un manque de modération dans les propos qui lui interdit de bénéficier de l’excuse de la bonne foi »…et de l’humour sans doute car « Le fait que les propos de M. Mamère ...aient une tonalité humoristique, ne leur enlève pas leur caractère diffamatoire et il n’est pas contraire à l’article 10 de la Convention des droits de l’homme de leur reconnaître cette caractéristique. »

Au lendemain de ce jugement de la Cour d’appel confirmant sa condamnation en première instance, M. Mamère n’avait pas craint de déclarer qu’il voyait là « la preuve que le lobby nucléaire est puissant et a des réseaux influents jusque dans le personnel de la justice. C’est un règlement de compte politique, une atteinte à la liberté d’expression  »

N’est vraiment pas E Zola qui veut !

Il indiquait son intention de se pourvoir en cassation et de faire du jugement de la cour d’appel une affaire politique, ce qui était normal pour le candidat à l’élection présidentielle de 2002 qu’il deviendra quelques temps après

3-5 condamnation de M. N. Mamère par la cour de cassation

Par jugement du 22 octobre 2002, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en cassation formé par M. N. Mamère et par M. Tessier président d’Antenne 2 contre l’arrêt du 3 octobre 2001 de la Cour d’appel de Paris qui les condamnait pour « diffamation envers un fonctionnaire public ».

La Cour de cassation estime que la Cour d’appel avait « exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés dans la citation et a, à bon droit, refusé aux prévenus le bénéfice de la bonne foi, après avoir retenu, sans méconnaître les dispositions de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, que ces propos caractérisaient des faits de diffamation. »

Finalement une réhabilitation pour le Professeur Pellerin, après seize années de lynchage médiatique et de lâchage quasi général de la part du monde politique, hormis quelques rares exceptions.

4 Bilan des conséquences sanitaires de Tchernobyl en France

Il existe une multitude de publications sur l’impact sanitaire actuel, constaté, et sur les conséquences prévisibles sur le long terme de l’accident de Tchernobyl.

Pour ce qui concerne l’impact en France, celui constaté et celui prévisible et pour estimer si en 1986 le Pr Pellerin était dans l’erreur en estimant inoffensives les retombées sur le sol français, on se référera ci-dessous au bilan établi par l’Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN) publié en 1999, soit 13 ans après l’accident

L’IPSN est un institut dépendant directement du Ministère de l’Environnement, à la date de la publication de ce rapport, Mme Dominique Voynet était Ministre de l’Environnement, elle en a validé les conclusions ( référence : Rapport « L’environnement en France 1999 », page 262 et suivantess, publié par l’Institut Français de l’Environnement, édition La Découverte)

Ce bilan est fondé sur l’ensemble des prélèvements et des mesures de radioactivité : air, eau, lait, produits agricoles et naturels, etc...effectué depuis 1986. Toutes les mesures ont été prises en compte celles dites « officielles » et celles des organismes dits « indépendant » dont la CRIIRAD.

En dehors des données chiffrées contenues dans ce rapport, les principales conclusions relatives à l’accident de Tchernobyl sont les suivantes :

« Des masses d’air contaminées ont survolé la France entre le 30 avril et le 1er mai, la zone la plus touchée s’étend à l’Est d’une ligne reliant le Gard à la Moselle.

Les espaces présentant les plus fortes contaminations en césium 137 sont les alpages des massifs montagneux (Jura, Vosges, Alpes) et les forêts qui ne voient jamais leurs sols retournés. Dans les espaces les plus touchés l’activité des produits forestiers, champignons et gibier, l’activité peut dépasser 2000 Bq par kg (pour une limite d’importation dans l’Union Européenne de 600 Bq/kg).

La CRIIRAD aurait trouvé dans l’arc alpin entre 1500 et 2800 m des activités supérieures à 10.000 Bq/kg [de matière sèche, ce qui n’est pas précisé dans le rapport].

Selon l’IPSN une personne habitant dans la partie la plus contaminée, c’est à dire dans l’Est de la France, a reçu une dose située entre 0,1 et O,4 milli Sievert en 1986 et une dose totale de 0,3 à1,2 milli Sievert entre 1986 et1997.

Si on considère le cas extrême d’un garde forestier ne mangeant que des champignons et du gibier, l’IPSN a calculé la dose administrée, soit 1,5 milli Sievert en 1986 et 1 mili Sievert entre 1986 et 1997 [ soit 12 années].La réglementation fixe la limite de dose actuelle [ pour la population] à 5 milli Sievert par an.

La conclusion générale du rapport est : « qu’en France la dose moyenne a été limitée et, selon le modèle utilisé, [logiciel ASTRAL : Assistance Technique en Radioprotection Post-Accidentelle], la dose moyenne reçue cumulée sur la période 1986-2046 [donc pendant 60 ans] pour la zone la plus touchée sera inférieure à 1,5 milli Sievert soit 1% environ de l’exposition naturelle qui sera reçue pendant la même période. »

5- Quelques réflexions sur l’affaire du « Nuage »

Il apparaît qu’en 1986, au moment de l’accident, le SCPRI a très correctement effectué son travail d’analyse et d’alerte et que les estimations de l’impact du passage du nuage ainsi que celle de la nocivité des dépôts laissés suite au passage du nuage n’ont pas été sous estimées en fonction de ce qui était observable et mesurable en temps réel durant le passage du nuage.

Si un reproche doit être fait, le reproche ne peut concerner ceux qui en temps réel avaient à effectuer dans les laboratoires du SCPRI et dans l’urgence le maximum de prélèvements, de comptages d’activité faibles, d’analyse et de publications des résultats. Il s’agissait d’un travail colossal mené avec diligence et avec la plus extrême rigueur.

Toutes les informations dont disposait le SCPRI ont été immédiatement communiquées aux autorités, les documents transmis au jour le jour ainsi que la déclaration du ministre M Fauroux devant l’Assemblée Nationale en fait foi. Ces informations ont également été largement transmises aux médias qui n’en ont d’ailleurs pas tous et toujours fait l’usage attendu.

Par contre l’État et le monde politique se sont montrés bien frileux et discrets. Ils ont laissé les scientifiques et les techniciens seuls, en première ligne. Sauf quelques exceptions (Alain Madelin et Michèle Barzac lors de l’accident, Roger Fauroux ultérieurement).

Peu sinon rien n’a été fait pour démentir les propos diffamatoires proférés à l’encontre des fonctionnaires de l’État dont l’honneur et la probité avaient été (et continuent d’être) malmenées.

En réalité ce qui n’a pas été pardonné au Pr Pellerin c’est d’avoir gâché l’occasion que l’accident de Tchernobyl offrait aux opposants au nucléaire de provoquer un mouvement d’opinion radical de rejet immédiat, catégorique et définitif de l’énergie nucléaire, à l’instar de ce qui s’est passé dans d’autres pays plus touchés par les retombées.

Ce qui ne lui a également pas été pardonné, c’est d’avoir participé à l’élaboration des positions fermes affichées par les autorités et le gouvernement, en particulier celles affirmées dans les deux communiqués de presse du 16 mai 1986 du ministre chargé de la Santé et de la Famille Mme Michèle Barzach :

Le premier communiqué :

« A la suite de l’accident survenu à Tchernobyl, le ministre…rappelle et confirme ce qui suit :

La santé publique n’est aucunement menacée par les conséquences de cet accident.

Les activités courantes peuvent donc être poursuivies sans précautions particulières, notamment :

Alimentation : les eaux habituellement potables, le lait, les produits alimentaires frais ou de conserve peuvent être consommés quel que soit l’âge du consommateur

Activités en plein air : elles peuvent être menées sans modification.

Aucune précaution particulière ne s’impose donc »

Le second communiqué :

« …le ministre a été saisi de certaines inquiétudes de femmes enceintes qui craignent pour leur enfant à naître.

Le ministre de la Santé tient à confirmer que de telles inquiétudes sont totalement injustifiées et sans aucun fondement scientifique, ni médical.

Le déroulement des grossesses en cours ne nécessite aujourd’hui, à ce titre, absolument aucune précaution particulière. »

Par la suite les opposants au nucléaire se sont employés à récupérer la situation à leur profit en inventant puis en assurant la promotion d’une formule qu’auraient prétendument prononcé les autorités sur « l’arrêt du nuage aux frontières ». C’est un coup de bluff de génie qui a jeté le discrédit sur le nucléaire et sur ses autorités de tutelle et de surveillance.

Dans la continuité et la perpétuation du mythe « du mensonge nucléaire » les derniers développements de la campagne débutée en mai 1986 sont :

  • L’ouverture le 3 juillet 2001 d’une information judiciaire par le parquet de Paris« pour atteinte involontaire à l’intégrité des personnes » à la suite de plaintes déposées par 200 malades atteints de cancer de la thyroïde qu’ils estiment liés au passage du nuage,

  • la publication par la CRIIRAD, en 2002 au début des campagnes électorales, d’un « Atlas des contaminations radioactives » actuelles imputables au passage du nuage

Les ministres de la Santé, B. Kouchener et de l’Environnement, Y. Cochet ont confié à un groupe de travail animé par le Pr Aurengo, chef du Service de Médecine Nucléaire à la Pitié-Salpêtrière la mise au clair des divergences d’interprétation entre les mesures effectuées par les différents organismes

Résultats dans X mois …de toutes façons, après les élections du printemps 2002. L’auteur de ce document a vainement cherché le rapport officiel qui devait résulter de ce groupe de travail. Si par contre on se réfère aux nombreuses publications médicales sur le thème des cancers de la thyroïde (registres des cancers, Académie de Médecine, Ordre National des Médecins, Comité Scientifique des Nations Unies sur les Effets des Rayonnements Ionisants…) aucune pour la France n’a mis en évidence une augmentation imputable à l’accident de Tchernobyl. L’augmentation des cancers de la thyroïde et des dysfonctionnements thyroïdaux a été observée bien avant l’accident, il s’agit d’une variation linéaire qui montre ni inflexion ni variation brutale après l’accident. Bien évidemment il en va tout à fait autrement en Ukraine et surtout en Biélo Russie en particulier pour les enfants en bas âge au moment de l’accident. Il à signaler que les spécialistes français qui soignent ces enfants partagent ces conclusions.

En attendant, le mythe et le mensonge continuent de se très bien porter.

Il est toutefois à noter, sans doute suite à la condamnation de N. Mamère que le Pr Pellerin n’est plus la cible directe et désignée, tant dans les dépôts de plainte que dans les critiques de la CRIIRAD. La prudence prévaut donc.

Maintenant le « responsable » désigné est plus flou, plus anonyme c’est l’État, ceux qui l’incarnaient à l’époque.